Pouvoir des douanes de saisir et de fouiller votre ordinateur et votre téléphone intelligent

iphoneR. v. Fearon, 2013 ONCA 106

Récemment la cour d’appel de l’Ontario s’est penchée sur le pouvoir de saisir un téléphone intelligent et d’en examiner le contenu dans la cause  R. v. Fearon, 2013 ONCA 106.

Protection de la vie privé en rapport avec les donnés contenues dans un téléphone

Force est d’admettre, à la lecture de ce jugement, que la jurisprudence Canadienne n’est pas fixée sur le droit d’un citoyen à la protection de sa vie privé en rapport avec les données contenues dans son téléphone intelligent. La cour s’est attardée premièrement à reprendre les principes relatifs à la fouille incidente à une arrestation, tels qu’établis dans l’arrêt R. v. Caslake, [1998] 1 SCR 51.

Cette fouille vise trois buts (1) assurer la sécurité des policiers et du publique, (2) prévenir la destruction de preuves incriminantes aux mains de l’accusé, (3) La découverte de preuves qui pourraient servir de preuves de la commission d’un crime et qui pourraient être utilisées dans le cadre d’un procès.

Un lien entre la fouille et les motifs de l’arrestation

Il doit également exister un lien entre la fouille et les motifs de l’arrestation, en ce sens que les policiers doivent être en mesure de démontrer des motifs raisonnables et objectifs reliant la nécessité de cette fouille dans le cadre de leur arrestation.

Dans la cause Fearon, les policiers détenaient de l’information à l’effet que plusieurs personnes étaient impliquées dans la commission d’un vol qualifié et ils croyaient que les informations contenues dans le téléphone portable, permettraient de découvrir des communications entre les auteurs de ce vol (permettant ainsi leur identification), mais aussi de recouvrer le butin du crime.

Les divers motifs de fouille versus l’Article 8 de la Chartre

Dans d’autres causes entendues par le passé, les cour de justices avaient étudié divers motifs au soutient de telles fouilles par les policiers. Dans la cause R. v. Manley, 2011 ONCA 128, les policiers avaient fouillé le téléphone d’un individu arrêté pour vol de téléphone portable dans le but de savoir si le téléphone lui appartenait. À cette occasion les policiers avaient découvert des photos d’une arme tronçonnée qui avaient été prises le lendemain de la commission d’un vol qualifié ou l’accusé avait utilisé une telle arme. Cette découverte avait été faite avant même d’avoir pu vérifier l’identité du propriétaire du cellulaire. La cour a déterminé que la fouille du téléphone concomitante à l’arrestation pour découvrir l’identité du propriétaire du téléphone était légale. Par contre elle a décidé que si les policiers avaient poursuivi leur fouille après avoir obtenu l’information sur le véritable propriétaire du téléphone, toute autre information ainsi obtenue aurait été jugé illégalement obtenue en violation des droits de l’accusé par ce qu’elle aurait été obtenue sans un mandat de perquisition et donc en violation de l’article 8 de la Chatre.

Dans une autre cause,   R. v. Polius, [2009] O.J. No. 3074, la cour a déterminé qu’une fouille du contenu d’un téléphone par un policier procédant a l’arrestation d’un individu sur les instructions d’un autre policier, alors qu’il n’avait aucun motif de croire que le téléphone en question contenait quelque preuve que ce soit quant à la commission d’un crime était illégale en vertu de l’art 8 de la Charte, puisque qu’exécutée sans mandat. La preuve fût par contre jugée admissible en vertu de la charte (art 24(2))

Il semble que le nombre limité de cause traitant de ce sujet n’aide en rien les tribunaux à dégager des principes clairs quant à l’expectative de vie privée relative a l’utilisation d’un téléphone cellulaire.

Restreindre l’accès aux données

Pour revenir à la cause de Fearon, la cour a décidé que le fait que l’accusé n’ait pas programmé de mot de passe pour restreindre l’accès aux donnés contenus dans son téléphone, il n’avait donc pas d’expectative à la vie privée aussi grande que s’il avait protégé l’accès à son téléphone (curieux quand on pense qu’on peut programmer le temps qui s’écoule entre la nécessité de réintroduire son mot de passe lorsque son appareil reviens à l’état de veille, le délai pouvant varier de quelques minutes à plusieurs heures).

Contenu d’un ordinateur personnel

Il sera intéressant d’observer les développements liés aux changements technologiques dans les prochaines années. Les cours devront peut être revisiter la décision de la cour suprême  dans  R. v. Morelli, 2010 SCC 8 ou il avait été décidé que la fouille du  contenu d’un ordinateur personnel était protégée par l’article 8 de la Charte. C’est exactement ce qu’a fait le juge Fuerst J. I dans R. v. Little, [2009] O.J. No. 3278 ou il assimila un téléphone intelligent à un mini ordinateur.  Il est vrai que dans Fearon aucune preuve à cet effet n’avait été faite.

Par contre, au delà des particularités inhérentes à certains téléphones, il sera intéressant de regarder le type d’information que peut contenir un téléphone personnel (photos, vidéos, musique, messages texte, mais aussi fichiers et courriels) qui tend à se rapprocher de plus en plus de celle d’un mini ordinateur.

Poste frontalier

Il est important de noter que dans le cas de fouilles effectuées par des agents de douanes à un poste frontalier, il n’y a pas d’expectative de vie privée quant au contenu de ses valises, sacs, ordinateurs et téléphones portables. Les douaniers sont donc tout à fait en droit de fouiller le contenu de votre ordinateur et téléphone, même sans motif.

Ils pourront même exiger vos codes d’accès et mots de passe sans quoi il pourront faire ouvrir vos appareil avec un technicien sans votre consentement et conserver vos appareils jusqu’à cela soit fait. Le manque de collaboration pourrait retarder votre admission au pays.

Vous avez donc intérêt à faire le ménage de votre ordinateur et de votre téléphone avant de passer les douanes pour éviter des moments embarrassants qui impliqueraient des photos intimes ou l’accès à des données que vous désirez garder confidentielles.

Si vous avez été le sujet d’une fouille ou que vous avez des questions au sujet de vos droits en matière de vie privée et de perquisition n’hésitez pas à contacter Me Dorval pour obtenir une opinion quant à la légalité des procédures utilisées.

Michel Dorval